L’Algérie est actuellement, et malheureusement pour encore longtemps, sous les feus des médias. Les raisons en sont multiples et complexes. Mais une chose est certaine, et la presse écrite et audio visuelle, unanime, d’une seule voix, le claironne à satiété: “les islamistes” sont coupables de crimes atroces.
D’où nous viennent donc “ces monstres”, dont la démonisation, jusqu’à la caricature, est symptomatique d’une volonté historique de discréditer la référence islamique, donc l’Islam, en tant que confession de 1,5 milliard de personne de par le monde?
Vaste problème qui ne saurait être exposé ici. Mais simplement, convenons qu’il existe au moins une autre face de la pièce, qui n’est pas forcément celle que les médias choisissent de nous montrer.
Je vais donc saisir la possibilité que me donnent ces colonnes, ainsi que l’actualité algérienne, pour à la fois explorer une possible désinformation sur l’Islam, et exposer le drame algérien, sous un angle et avec des références, qui ne sont pas exactement ceux que les médias nous servent à toutes les sauces rouges de la planète.
Chacun jugera.

Peut-on lever furtivement un coin du voile opaque jeté sur ce drame?
Je ne pourrai faire plus, aussi vais-je devoir me limiter, me forcer dans des raccourcis. Mais je serais heureux de contribuer à une analyse de fond sur ce sujet d’actualité, et d’autres du Moyen-Orient, si l’occasion m’en est donnée. Concernant l’Algérie, il faut se rappeler certains faits établis et contrôlables, avant d’émettre une opinion sur la question.
– En 1990 et décembre 91, le FIS (parti islamique) a largement remporté les deux premières élections libres de l’Algérie.
Ces élections ne se sont pas déroulées sous des kalachnikovs, mais sous le regard d’observateurs internationaux.
– Sachant que les véritables tenants de l’exécutif algérien étaient (et sont !) une poignée de généraux plus que laïcs, anti-islamiques, ces derniers ont mis en scène un coup d’Etat militaire, stoppant ainsi le processus électoral démocratique, ont déclaré le parti vainqueur des élections hors la loi, ont arrêté leur leader et sympathisants, et ont depuis donc début 92 généralisé une campagne de répression d’une extraordinaire cruauté à l’encontre de la population algérienne.
– La presse libre n’existe plus en Algérie, et ceci par un décret de la junte militaire, peu après janvier 92 : donc tout ce qui nous parvient de là-bas est passé par le filtre de l’Intelligence algérienne. Tout. Il faut le savoir, lorsque l’on souhaite comprendre ces atrocités.

Jusque-là, il s’agit des généralités, connues de tous, bien que très souvent occultées; mais la suite est moins connue, aussi les références seront fournies.

– Les attentats meurtriers à Paris en 95 (dont celui du RER St Michel) étaient des opérations de l’armée et services secrets algériens (Voir Financial Times (britan.) du 02/08/95, Jeune Afrique n° 1805, dépêche de l’AFP du 8/11/97 à 19h35/Londres, The Observer (britan.) du 9/11/97, lettre de Anwar Haddam (FIS en exil) à Robin Cook (ministre britan., 25/01/98) reproduite dans la presse). Qu’est-ce que le gouvernement algérien gagnerait dans cette affaire? Le mobile du (des) crime, en fait. Le but recherché était alors de générer une profonde réaction anti-islamique dans l’opinion publique française, tout en légitimant, aux yeux de cette même opinion, l’option “éradicatrice” de ce pouvoir militaire. Ils vont parvenir, entre autres, ainsi, à instrumentaliser la peur en Occident pour mériter le soutien de nos gouvernants. Car se présentant comme la seule alternative à “la barbarie islamiste”, par eux-mêmes fabriquée, pour capitaliser le soutien de l’occident. Et aujourd’hui, l’horreur attribuée aux “islamistes” agit aussi bien sur l’opinion en Algérie, qu’ailleurs.
La campagne sert à alimenter un terroir hostile à l’Islam parmi la population.

– Le “Groupe Islamique Armée” est un pur produit de l’armée et des laïcs services secrets algériens (AFP idem, Jeune Afrique idem, The Observer idem). Le G.I.A est, aujourd’hui, un groupe anti-islamique au service de la junte militaire au pouvoir actuellement. Il n’a rien à voir avec l’Islam. Rien. Ces 2 mêmes informations ont été réaffirmées par un ancien premier ministre algérien (M. Brahimi) sur les plateaux de la CBS (TV américaine) le 22/01/98 – voir dépêche AFP du 18/01/98.

– Les massacres sont tous, sans exception, perpétrés dans des quartiers ou villages favorables au FIS (The Observer idem, The Guardian (britan.) du 20/10/97, le magazine “Esprit” n° 235 article de F. Geze)

– Ces 2 dernières informations sont corroborées par des repentis de l’armée et de la Police algériennes. En effet, une série d’interviews qui présentent une totale crédibilité, menée par un célèbre grand reporter, spécialiste des questions arabes, Robert Fisk, a été publiée par “The Independant” (britan.) du lundi 3/11/97. Elle confirme ces faits graves, en plus de la torture horrible et systématique des prisonniers dans 2 commissariats d’Alger, au moins. Ajouter à cela le communiqué d’Amnesty International signé Pierre Sané (secrétaire général) du 18/11/97, réf. MDE 28/38/97, qui dénonce les pratiques sanglantes des militaires et l’étrange concentration des massacres dans l’espace le plus militarisé de toute l’Algérie.
Par ailleurs, Ben Bella (1er président de la répub.), Abassi Madani, Anwar Hadam, Hussein Ait Ahmed, tous acteurs de premier plan de la scène algérienne, accusent le gouvernement des massacres.

– Les forces de la sécurité militaire algérienne ont confisqué les fusils de chasse des villageois et fermiers, massacrés peu après (Libération du 22/09/97)

– Des hélicoptères ont atterri à proximité de RaÏs (près de Sidi Moussa, 300 morts) peu avant le début du massacre. Les maquisards islamistes se déplaceraient-ils en hélico maintenant ? (Libération du 22/09/97, citant des témoins visuels). Il est à noter que le village fut entièrement brûlé (fumée, non ?), que le massacre a duré 6 heures (!), et que malgré tout, le camp de l’armée se trouvant à 1 km ne s’est aperçu de rien : l’armée ayant réussi la prouesse de laisser “échapper” tous les “terroristes” !

– Est-ce un hasard si le 17 (n° Urgence) ne répondait pas lors de plusieurs attaques ? (Libération du 22/09/97) Puis il y a des éléments qui défient toute logique.

– Pourquoi “des islamistes” massacreraient de paisibles paysans et villageois, ceux là même qui avaient massivement voté pour eux lors des 2 seules élections libres du pays ?

– Est-ce que “des islamistes” oseraient faire exploser des bombes dans leurs mosquées, lieux sacrés pour les musulmans ?

– Est-ce que “des islamistes”, même extrémistes, brûleraient les bébés d’autres islamistes dans des fours ? Je veux bien, moi, que l’on dénonce l’horreur des bébés au four ou les cadavres mutilés, à condition que l’on complète l’information, en ajoutant, comme ce fut le cas, qu’il s’agissait de bébés des familles “islamistes”, que c’était les sympathisants islamistes qui retrouvaient les corps de leurs proches décapités ou démembrés..! Cela nous donne alors une meilleure grille de lecture de l’information, que l’on peut aisément rationaliser !

– Est-ce que “des islamistes”, donc “musulmans”, commenceraient le cycle des égorgements nocturnes le 1er jour du mois sacré du Ramadhan, pilier de l’Islam ? En choisissant d’autres musulmans pour victimes?

– Mais, me dira-t-on, quel média honnête goberait toutes ces inepties et invraisemblances ?

Et bien presque toutes ! France Inter, par la voix de Ralph Pinto annonçait, le ton sévère et grave : “les islamistes inaugurent le Ramadhan par un bain de sang”, suivait ensuite un chapelet de propagande anti-islamique…
La manœuvre est grossière, mais elle marche, “on” veut associer le vol, le viol, le meurtre, l’horreur, à l’un des préceptes sacrés de l’Islam.
La preuve en est qu’aussi bien avant qu’après le Ramadhan ces meurtres et égorgements existaient et existent toujours là-bas. La différence est dans le traitement médiatique du même événement, hors et pendant le Ramadhan.
Les premières et les gros titres pendant le Ramadhan, des 10ème de page ou des entrefilets aujourd’hui.
Aucun journal de France, et surtout pas les grands organes tels que l’AFP, Reuters, l’AP etc, qui eux orchestrent l’opération.

Alors quelle leçon retirer de tout cela ? Il est remarquable qu’il a suffi de flatter quelque peu la répulsion quasi instinctive de chacun en Occident, vis-à-vis de l’Islam et des mouvements islamistes, pour que toute la presse française, les humanistes ou intellectuels français, adhèrent et reproduisent, tels des photocopieurs, les thèses les plus invraisemblables de la junte militaire algérienne.

Le plus étonnant c’est encore que tout ce beau monde, par ailleurs si critique et pointilleux, fait, par contre ici, preuve d’une unanimité extraordinairement crédule…Trop crédule, pour être innocent. Est-ce un hasard ?

Les Algériens paient au prix fort, aujourd’hui, leur “mauvais” choix électoral de décembre 91.

L’action des vainqueurs du scrutin s’appellera donc “le Jihad”, celle de ceux qui ont usurpé le pouvoir, “résistance démocrate”.

Aux uns le long tunnel d’atrocités et d’humiliation.

Aux autres le monopole du vocabulaire du Bien dans nos médias.

Lorsque la frange extrémiste des islamistes fait de la résistance et fait valoir par la violence leur droit, ils sont appelés “terroristes”.

Tous les tunnels ont une fin, et l’Histoire, la grande, jugera chacun, les crimes des uns (il y en eut des 2 côtés), la crédulité passive voire complice des autres.
À chacun son index coupable.

Étrange, cependant, que cette “crédulité” bien fortuite n’ait joué qu’en faveur, et toujours, en faveur du pouvoir militaire algérien anti-islamique…

Mais alors l’Islam, l’Algérie, cet amour? Ne dit-on pas “lorsqu’on aime, on ne compte pas…” Mais, même ses morts? Je ne sais pas….L’Histoire nous le dira.